Andry Rajoelina, dimanche 15 mars.
Dans la crise politique qui secoue la Grande Ile, le président malgache, Marc Ravalomanana, apparaît désormais très isolé. Les appels réclamant son départ se sont multipliés, tandis qu'un nombre croissant de ses fidèles a décidé de
rallier le camp de l'opposant Andry Rajoelina.
En dépit de cette forte pression, le chef de l'Etat a répété, dimanche 15 mars, qu'il ne démissionnerait pas et a évoqué l'organisation d'une consultation nationale pour décider de son sort.
"S'il va falloir passer par un référendum, je n'ai rien à craindre d'une telle éventualité", a-t-il assuré dimanche matin alors qu'il participait à un culte religieux devant son palais présidentiel, là où il vit reclus depuis plusieurs jours, à une dizaine de kilomètres du centre de la capitale, Antananarivo. A la question d'une éventuelle démission, M. Ravalomanana a répondu :
"Ça, jamais", d'après l'Agence France-Presse.
"C'est le moment ou jamais de montrer à tout le monde qu'on est encore là et qu'on est prêt à se battre jusqu'au bout", a-t-il ajouté, entouré de 5 000 de ses partisans. En fin de journée, il a demandé à son gouvernement, lors d'un discours diffusé à la radio,
d'organiser le référendum
"dans les plus brefs délais".
Depuis près de trois mois, le chef d'Etat malgache fait face à un mouvement de contestation dirigé par le maire déchu de la capitale, Andry Rajoelina.
Soutenu par une partie de l'opinion malgache, celui-ci reproche à M.Ravalomanana de rester sourd aux revendications sociales de la population et de préférer faire fructifier dans l'île de l'océan Indien les intérêts de son groupe agroalimentaire. Le conflit a déjà fait plus de 135 morts.
Samedi, le jeune opposant de 34 ans a reçu plusieurs bonnes nouvelles. Dans la matinée, des membres de son
"contre-gouvernement" ont pris possession des bureaux du premier ministre, laissés à l'abandon. Escorté par des militaires de son domicile jusqu'à la place du 13-Mai, M. Rajoelina peut aussi désormais compter sur le soutien de
l'armée, qui réclame également le départ du président Ravalomanana auquel elle n'obéit plus depuis le 11 mars. Vers midi, celui qui vivait caché depuis plusieurs jours est donc réapparu sur l'estrade de la place centrale d'Antananarivo devant une quinzaine de milliers de sympathisants.
A ses côtés, se trouvait un nouveau soutien politique de poids : le président de l'Assemblée nationale, Jacques Sylla.
"Il n'y a qu'une solution : la démission du président Ravalomanana", a admis cet ancien premier ministre de l'actuel chef d'Etat. Dans son discours,
"TGV", surnommé ainsi en raison de sa rapide ascension politique, avait alors demandé au président de
"quitter humblement le pouvoir" dans les quatre heures qui allaient suivre. Auparavant, l'opposition, constituée en
"Haute Autorité de transition", s'était engagée à organiser des élections générales d'ici deux ans.
Mais l'ultimatum a été rejeté en fin de journée par l'occupant du palais présidentiel d'Iavoloha. Celui-ci a qualifié la contestation de
"manifestation de rue qui utilise la terreur et la répression pour survivre" ajoutant, dans le même communiqué, qu'
"une autoproclamation ne donne pas de pouvoir légal".
RAVALOMANANA POURRAIT AUSSI CHERCHER À GAGNER DU TEMPSDans les rangs de l'opposition, on craint que le référendum soit un piège.
"S'il a lieu, ce sera très difficile pour nous", juge le général Désiré Philippe Ramakavelo, proche d'Andry Rajoelina.
"Le président dispose encore de nombreux réseaux dans l'administration, et c'est elle qui contrôlera les votes dans les régions les plus reculées
du pays…" Pour les observateurs, Marc Ravalomanana pourrait aussi chercher à gagner du temps pour mettre à l'abri ses nombreux intérêts avant d'éventuellement quitter Madagascar. Une partie de sa famille s'est d'ailleurs déjà envolée vers les pays voisins.
Dans l'entourage d'Andry Rajoelina, on veut aller vite.
"C'est la dernière ligne droite", a prédit un membre de son équipe. Une nouvelle demande de déchéance du président a été déposée samedi auprès de la Haute Cour
constitutionnelle (HCC). Malgré la cascade de défections qui frappe le président, le dilemme reste entier pour l'opposition : comment faire céder Marc Ravalomanana sans pour autant donner le sentiment de réaliser un coup d'Etat ? La prochaine élection présidentielle est normalement prévue en 2011. L'armée a répété qu'elle ne marcherait pas sur le palais protégé par la garde présidentielle.
"Nous ne souhaitons pas de nouveaux affrontements, a confié, dimanche soir, le colonel André Andriarijaona, chef d'état-major des armées.
S'il aime sa patrie, le président doit partir de lui-même."