Le parachutiste français Michel Fournier mettait la
dernière main dimanche à la préparation d'un saut en chute libre de 40
kilomètres de haut, au-dessus des prairies canadiennes, le rêve d'une
vie pour ce sexagénaire qui espère écrire une page d'histoire.
"Comme
a dit MacArthur, la jeunesse n'est pas une période de la vie, mais un
état d'esprit", lance Michel Fournier, 64 ans, dans un hangar du
minuscule aéroport de North Battleford, dans le centre de la province
céréalière de la Saskatchewan, dans l'ouest canadien.La
quinzaine de membres de l'équipe technique de cet ex-officier de
l'armée française s'active avant le "grand saut" prévu lundi à l'aube,
si les conditions météorologiques le permettent.Une nacelle
pressurisée accrochée à un ballon stratosphérique doit amener Michel
Fournier à une altitude de 40.000 mètres, d'où il sautera pour devenir
le premier homme à franchir le mur du son en chute libre."Qui
ose gagne", peut-on lire à l'intérieur de la nacelle baptisée "Billy
Bishop" en hommage à un célèbre aviateur canadien de la Première Guerre
mondiale. Les photos des équipages des navettes Challenger et Columbia,
qui ont toutes deux explosé en vol, y sont aussi affichées, l'objectif
de M. Fournier étant notamment de faire avancer les recherches sur le
sauvetage des astronautes en cas d'avarie.Un ballon géant de 116
mètres de diamètre gonflé à l'hélium permettra l'ascension de la
nacelle. Le sexagénaire se lancera alors dans le vide vêtu d'une
combinaison pressurisée le protégeant aussi du froid, pour n'ouvrir son
parachute qu'à un kilomètre du sol.Mais l'ascension pendant deux
heures et demie du ballon stratosphérique pourrait être compromise par
de fortes bourrasques atmosphériques balayant à l'horizontal, explique
Dale Sommerfeldt, directeur canadien du lancement. La descente prendra
en revanche moins de dix minutes.Une équipe au sol suivra le
déroulement de l'opération grâce à des données GPS, à quatre caméras
dans la nacelle, une placée sur le parachutiste et une armada de
télescopes installés dans le centre de contrôle à North Battleford."C'est
très important (ces caméras à l'intérieur de la nacelle) pour voir
Michel, pour voir s'il ne s'évanouit pas, s'il est conscient", indique
Thierry Le Coz, responsable des télécommunications. "Ça permet (aussi)
de vérifier la ligne de vol du ballon" pour corriger la direction,
ajoute Patrick Rojewski, responsable des caméras dans la cabine.Pendant
l'ascension, dans sa capsule vitrée de deux mètres de haut, l'isolant
de températures pouvant descendre sous les -100 degrés Celsius, des
rayons UV et cosmiques, Michel Fournier respirera de l'oxygène pur en
circuit fermé."Si je renvoie de l'oxygène dans ce local fermé,
ça va vite devenir une bombe, c'est pourquoi la nacelle est pressurisée
avec de l'azote, un gaz inerte", explique le retraité à la chevelure
blanche, au rire moqueur, un peu nerveux toutefois à l'approche du saut
de sa vie.S'il réussit, Michel Fournier établira quatre records
du monde: celui de la vitesse en chute libre (1.500 km/h), de la durée
de la chute libre, de l'altitude du saut, ainsi que de l'altitude de
vol humain sous un ballon.M. Fournier, qui a plus de 8.600 sauts
à son actif et détient le titre français du plus haut saut en parachute
depuis 12.000 mètres, a déjà fait deux tentatives infructueuses.En
2002, les conditions météorologiques avaient empêché le saut et en
2003, la toile du ballon stratosphérique s'était déchirée peu avant le
départ.Avant lui, en 1960 le capitaine américain Joseph
Kittinger avait sauté de 31.333 mètres dans le cadre d'une expérience
médicale. Et, en 1962, le Russe Evgeni Andreïev avait sauté de 24.483
mètres, établissant le record du monde de saut en chute libre.