PPDA: «J'attends ma lettre de licenciement!» <blockquote>
Image © KeystoneA quelques heures de sa dernière grand-messe, hier, PPDA a rencontré la presse. Il a annoncé qu'il avait eu des propositions de toutes les
chaînes de télévision et des groupes de presse. «Je vais choisir. Je
n'ai pas l'intention de m'arrêter. Je retrouverai ceux à qui je
m'adressais et que j'ai aimés.»</blockquote>
Le journaliste le plus célèbre de France, licencié de TF1, a présenté hier
son dernier JT. Interview sans concessions d'une star aimée et
controversée. A quelques heures de sa dernière grand-messe, hier, PPDA
a rencontré la presse. Deux heures à bâtons rompus où il évoque le
pouvoir en place, les trahisons et les passions Quelles ont été les circonstances exactes de votre éviction?(Ton calme.) Dimanche 9 juin, j'ai lu la presse. Le Journal du Dimanche
annonçait que Laurence Ferrari restait sur Canal +. Dans Le Parisien,
il était question qu'elle vienne sur TF1. La chose m'a paru étrange.
Aucune rumeur n'était parvenue à mes oreilles. Je ne l'ai pas cru et je
suis allé jouer au tennis avec un consultant de France Télévisions,
Arnaud Boetsch. A l'heure du déjeuner, je croise Anne-Sophie Lapix qui
me dit être en négociation pour reprendre «Dimanche +» à la place de
Laurence Ferrari. Là, cela voulait dire qu'éventuellement Laurence
serait libre...
Vous l'avez contactée?Je lui ai passé un coup de téléphone pour essayer de savoir si c'était
vrai. Elle ne m'a rappelé que le lendemain soir. Et j'ai appris par RTL
que les choses étaient faites, signées. Le lundi suivant, j'ai déjeuné
avec Nonce Paolini (n.d.l.r.: directeur général du groupe TF1) qui me
l'a confirmé au bout d'un quart d'heure.
Qu'avez-vous ressenti?Ma vie était déjà, à ce moment-là, ailleurs. Ma place appartenait
désormais à Laurence Ferrari. J'ai trouvé le procédé inélégant. Je l'ai
dit, parce que je n'ai pas ma langue dans ma poche. Pour autant, je ne
renie en rien mes années à TF1. J'en veux à certaines personnes qui ont
agi pour des raisons qui ne sont pas journalistiques. Mais tout patron
a la possibilité de disposer des places. Moi, je ne considère pas que
ce soit un bon choix.
Vous avez déclaré que 4 personnes ont ourdi un complot contre vous...Oui. Je les connais. Je ne citerai pas de noms. Bientôt vous aurez compris.
Laurence Ferrari est-elle dans le lot?Vous ne saurez rien de ces 4 personnes. J'ai mes raisons.
Vous n'aviez vraiment rien vu venir? On est un peu surpris...(Il interrompt.) Par ma candeur? Ces bruits, je les avais lus sur Claire Chazal.
Est-elle menacée?Je ne le lui souhaite pas. Je note qu'un certain nombre de gens, des
bons éléments, partent de TF1. Anne-Sophie Lapix, par exemple. Harry
Roselmack hésitait. J'espère que ça ne va pas créer une hémorragie.
Vous étiez somme toute serein.Les chiffres d'audience n'ont jamais été aussi bons. Hier (n.d.l.r.:
mercredi), 39% de parts de marché contre 19% pour France 2. Jamais le
journal de TF1 n'avait fait deux fois mieux que la concurrence! A moins
de déplaire à tel ou tel. Des puissants... Je n'avais aucune raison de
m'inquiéter. Et, dans ma tête, je savais quand j'allais partir.
N'avez-vous pas agacé en parlant de 2012?Pour moi 2012 était une date butoir. C'était une façon de dire que le
calendrier des journalistes n'était pas forcément celui des politiques.
Un quinquennat s'ouvrait, j'étais prêt à aller jusqu'au bout. Appelez
ça un défi ou une ultime insolence.
Vous avez comparé, lors d'un entretien, Nicolas Sarkozy à «un petit garçon». Cette phrase vous a-t-elle été fatale?Je suis incapable de vous le dire. Il se trouve qu'il l'a dit à
beaucoup de gens qui me l'ont rapporté. Il émet des jugements, sur
Arlette Chabot aussi, sur des présentateurs, des animateurs. Il a
visiblement un goût assez prononcé pour la télévision. Il a le droit
d'avoir des opinions. J'espère qu'il ne peut pas les imposer.
Vous avez un doute à ce sujet?Il y a des choses troublantes. J'étais heureux le jour où s'est créée
une haute autorité, devenue CSA, qui puisse nommer le président de
France Télévisions. C'est important dans nos démocraties. Ces instances
existent partout ailleurs dans le monde. Pour toute nomination
sensible, nous avait dit le président lors de la campagne électorale,
il y aurait un contrôle. Je ne pense pas que ce soit utile qu'il
revienne à une pratique ancienne.
Le pouvoir est-il devenu trop interventionniste?J'ai toujours tenu à distance les hommes politiques et protégé ma
rédaction. Il y a un très grand nombre de ministres que je n'ai jamais
reçus. Le journaliste n'a pas à être l'instrument d'une promotion
quelconque. Certains ont pu en concevoir de l'amertume, c'est ce qu'on
me dit. Les intimidations ou les ordres venus d'en haut ont toujours
produit chez moi l'effet contraire. J'ai pu résister parce que j'ai des
épaules, que j'ai été patron de mon journal.
Un livre est sorti sur TF1, anonyme, dans lequel votre image est écornée. Est-ce que l'on sait désormais d'où il vient?Une chose est sûre: il n'a jamais été écrit pas des journalistes de
TF1! C'est gravissime de faire croire à des lecteurs, comme c'était
précisé au dos, que cinq journalistes de TF1 parlaient de l'intérieur
de la maison. Une enquête va être diligentée. Je ne lâcherai pas
l'affaire.
Remettrez-vous les pieds à TF1 après ce dernier JT?Je ne reviendrai plus. J'ai fait mes cartons, décroché les photos.
Celles de mes enfants, d'autres. Inutile de le nier: l'émotion est très
forte intérieurement, ça vient par vagues. Dans ces cas-là, on essaie
de se raccrocher aux gens qu'on aime. Après je suis journaliste.
J'essaie de faire mon métier le mieux possible, jusqu'au bout.
Techniquement, comment votre éviction vous a-t-elle été signifiée?J'ai eu un entretien préalable de licenciement. Comme il est d'usage,
j'ai demandé à un journaliste de m'accompagner. Jean-Pierre Pernaut.
(Sourire amical en coin.) C'était utile pour lui de savoir comment ça
se passe, si un jour, éventuellement...
Vous êtes donc licencié?J'attends ma lettre de licenciement. Elle doit me parvenir dans les jours prochains.
On vous prête l'envie de réaliser un film.En réalité, j'imaginais quitter le JT l'été 2009, afin de réaliser un
film. Avec mon frère, nous avons avancé sur l'écriture d'un scénario
adapté d'un de mes livres, «J'ai tant rêvé de toi». Le tournage était
prévu à Prague. Je l'avais fait savoir à mes dirigeants. Le producteur
de ce film, Sergio Gobbi, était allé voir Nonce Paolini pour le lui
dire.
La politique vous tenterait aussi.Je me méfie. Je ne dirai pas fontaine, je ne boirai pas de ton eau. Je regarderai. Avec distance...
Pour l'avenir, vos désirs rejoignent-ils les propositions que l'on vous a faites?Elles sont nombreuses et extrêmement variées. Dans la vie rien n'est
exclu. J'ai eu des propositions de toutes les chaînes de télévision et
des groupes de presse. Je vais choisir. Je n'ai pas l'intention de
m'arrêter. Je retrouverai ceux à qui je m'adressais et que j'ai aimés.
Quelque part. Ailleurs. Je suis sûr que ce sera pour une belle aventure.
«Comme on dit en Bretagne: à Dieu vat!» Pour son dernier tour de piste, hier soir, PPDA aura été égal à lui-même:
imperturbable, inébranlable. Avec toujours cette lueur espiègle dans le
regard et ce sourire tout en retenue. En bref, ceux qui s'attendaient à
le voir la larme à l'oeil auront été déçus. Durant les trente minutes
de ce tout dernier JT, il ne se sera autorisé que deux fantaisies: à
8h32, très précisément, il annonce la naissance de deux girafons au zoo
de Vincennes, en précisant qu'ils sont «tombés de haut» puisqu'ils ont
«fait une chute de deux mètres en naissant». Et le présentateur
d'ajouter, finement: «parfois on peut chuter, mais on rebondit très
vite». Bien vu. Il annonce, ensuite, un reportage consacré aux ruines
romaines d'Herculanum, à la fin duquel la voix off évoque «la magie du
numérique qui permettra aux fortes personnalités patriciennes de
renaître de leurs cendres». Un bel hommage.
Viennent ensuite les adieux en bonne et dûe forme de PPDA: «je vous embrasse et
j'embrasse toute la rédaction. Merci pour votre formidable constance,
votre confiance». Grand Seigneur, le «Roi Soleil» remercie chaudement
ses chefs («Merci à TF1»), rend hommage à Harry Roselmack (» Je vous
laisse entre de bonnes mains»). Et il conclut, lyrique: «Comme on dit
en Bretagne: à Dieu vat!»
R. Ma.