Radovan Karadzic, l'ancien chef politique des Serbes
de Bosnie inculpé de génocide, tentait mercredi, deux jours après son
arrestation, de retarder son transfèrement devant la justice
internationale à La Haye après avoir dupé les autorités en se rendant
méconnaissable.Pour
gagner du temps, son avocat, Me Svetozar Vujacic, a annoncé qu'il
déposerait un recours contre le transfèrement de Karadzic vendredi
prochain, au dernier jour du délai prévu par la loi.De son côté,
Radovan Karadzic, qui n'a pas eu de contacts avec son épouse Ljiljana
Zelen-Karadzic, sa fille Sonja et son fils Sasa au cours de ses années
de clandestinité, insiste pour les revoir avant de se retrouver à La
Haye devant le Tribunal pénal international (TPI) pour l'ex-Yougoslavie
qui l'a inculpé il y a 13 ans de génocide, de crimes contre l'humanité
et de crimes de guerre.Son frère Luka a demandé mardi à Miroslav
Lajcak, le Haut représentant international en Bosnie, de permettre à la
famille Karadzic, dont les passeports ont été confisqués en janvier, de
se rendre à Belgrade.Mardi soir, Milorad Dodik, Premier ministre
de la Republika Srpska (entité serbe de Bosnie), a lui aussi appelé M.
Lajcak à "autoriser la famille de Radovan Karadzic à lui rendre
visite". "Les raisons d'empêcher la famille Karadzic de quitter la
Bosnie ont cessé" avec l'arrestation de Radovan Karadzic, a déclaré M.
Dodik à la télévision d'Etat serbe (RTS).Une fois déposé le
recours de l'avocat de Karadzic contre son transfèrement, un panel de
juges du tribunal de Belgrade pour les crimes de guerre aura, selon la
loi, trois jours pour se prononcer.L'inculpé ne pourra plus
ensuite présenter d'autre recours et le ministère de la Justice pourra
alors décider de le transférer au TPI.Le transfèrement pourrait
avoir lieu "durant le week-end où au début de la semaine prochaine", a
estimé Bruno Vekaric, porte-parole du procureur pour les crimes de
guerre à la chaîne de télévision B92. L'arrestation de Radovan
Karadzic, l'un des fugitifs les plus recherchés au monde, a valu à la
Serbie les félicitations de l'Union Européenne (UE), des Etats-Unis et de nombreux autres pays.Elle était une des conditions pour que la Serbie puisse, à terme, intégrer l'UE, et désormais les autorités serbes attendent des Européens un geste en retour.Rasim
Ljajic, le ministre serbe chargé de la coopération avec le TPI, a
rappelé que Belgrade, depuis la chute du régime autoritaire de Slobodan
Milosevic en 2000, avait transféré 44 inculpés à La Haye, tout en
qualifiant d'"injustifiées et sans fondement" les accusations selon
lesquelles la Serbie ne coopère pas suffisamment avec la justice
internationale."Après l'arrestation de Karadzic, ces stéréotypes ne tiennent plus", a-t-il dit à la RTS.Mais
certains Européens ne semblent pas encore prêts à accélérer
l'intégration de la Serbie et veulent maintenir la pression sur
Belgrade pour obtenir l'arrestation de l'autre grand fugitif des Serbes
de Bosnie,Ratko Mladic, l'acolyte militaire de Karadzic.Mercredi,
la presse continuait de s'étonner de l'incroyable transformation
physique de Radovan Karadzic qui, amaigri, portant une épaisse barbe
blanche et de longs cheveux blancs, était devenu méconnaissable.Radovan
Karadzic était parvenu à duper tout son entourage et vivait
dernièrement à Belgrade, en compagnie d'une femme d'une quarantaine
d'années, identifiée par la presse comme Mila.Il utilisait de
faux papiers au nom de Dragan Dabic et pratiquait la médecine
alternative comme psychiatre, une profession qu'il avait exercée avant
de se lancer dans la politique.Radovan Karadzic était recherché
par la justice internationale en particulier pour avoir été, avec Ratko
Mladic, l'instigateur du génocide de Srebrenica (est de la Bosnie), où
près de 8.000 Musulmans avaient été éliminés en juillet 1995.Outre le général Mladic, le TPI réclame encore l'arrestation de Goran Hadzic, l'ancien dirigeant des Serbes de Croatie.L'arrestation
de Karadzic n'a jusqu'à présent donné lieu qu'a des manifestations de
protestation de faible envergure. Une centaine d'ultranationalistes
criant "Trahison" ont rapidement été dispersés mardi soir par
d'importantes forces de police.Lundi soir, après l'annonce de
l'arrestation de Karadzic, une cinquantaine de personnes s'étaient
rassemblées, mais la police les avait tout aussi rapidement dispersées.