Il parle avec une voix grave et posée. Il a le regard qui a l’air de
porter plus loin, là où seuls les présidents peuvent voir. Il est
élégant et charismatique. C’est le premier président noir des
Etats-Unis. Son nom : David Palmer, qui mourra assassiné quelques
épisodes de l’addictive série "24 heures chrono" plus tard.
David Palmer a t-il ouvert la voie à Barack Obama auprès de ses près
de 15 millions de téléspectateurs par semaine ? C’est au moins l’avis
de Dennis Haysbert, qui incarnait le président de la série, et a
expliqué à des journalistes américains qu’il avait "pu aider à ouvrir
les yeux du peuple américain". (Haysbert a d’ailleurs arrosé le candidat démocrate de 2 300 dollars, le maximum autorisé pour les primaires.)
Où qu’il soit, et bien qu’il soit à la tête du commando d’élite de The Unit pour la troisième saison, on continue à l’interpeller dans la rue pour lui demander de se présenter. Vous pouvez d’ailleurs l’encourager ici.
A la différence de Barack Obama, David Palmer, pendant les primaires
de la première saison, n’a jamais eu à faire de discours sur les
questions raciales. Il n’a pas eu à prononcer de discours pour prendre
ses distances avec un pasteur noir
trop virulent, ne s’est pas fait accuser de jouer la carte raciale par
son adversaire. Tout juste se demandera t-il si les tentatives
d’assassinat contre lui sont motivées par sa couleur de peau.
Le premier président noir dans une série télé devait être parfaitEst-ce une marque d’acceptation ? Pas franchement, à en croire Erika Molloseau,
chercheuse spécialiste de la culture populaire noire à l’université
Denison d’Ohio. Ce n’est pas une surprise à l’écouter si David Palmer
est parfait, intègre, raffiné, réfléchi.
Le premier président noir aux Etats-Unis devait faire un sans faute.
"Tout comme Bill Cosby devait être un père de famille extrêmement
parfait dans le Cosby Show", nous explique t-elle par téléphone. "C’est
presque irréel."
Comme l’écrit Newsweek,
c’est quand on verra des présidents noirs incompétents dans les séries
qu’on saura que l’idée d’un Noir à la Maison Blanche est communément
acceptée (dans "24 heures chrono", la présidence de Wayne Palmer, moins
solide que son frère, marque un pas dans cette direction).
« Si j’étais Barack Obama et que j’entendais que je dois ma
carrière politique à David Palmer, je serais furieux ! » Pour Robert
Thompson, un chercheur américain qui étudie la culture populaire à
l’université de Syracuse (dans l’état de New York), il ne faut pas
s’exagérer l’impact de la série. « Ce n’est pas rendre hommage à Barack
Obama que de penser que c’est une série de Fox qui l’a aidée. Il aurait
été là où il est avec ou sans 24 heures chrono. »
"Si une série a aidé Obama, c’est plutôt ‘A la Maison Blanche’"D’autant, selon lui, que la culture populaire est plus souvent en
retard sur la société que l’inverse. « Pendant la guerre du Vietnam,
les séries télé n’ont jamais fait référence au mouvement antiguerre. Le
mouvement féministe était en route depuis longtemps quand les séries
ont commencé à y faire allusion. » :
"Et si je devais dire qu’une série télé a aidé Obama,
je ne parlerais pas de 24 heures chrono mais de ‘A la Maison Blanche’
[autre série américaine culte, qui suit les deux mandats d’un président
démocrate à la tête des Etats-Unis]. "Dans cette série, le président Bartlett a rappelé aux Américains
qu’un leader pouvait parler d’une manière qui nous inspire, qu’un
président pouvait parler sans faire de faute de syntaxe, qu’il pouvait
être visionnaire…
"Après les présidences de Reagan, de Clinton et de Bush, marquées
par des controverses, les personnages de Bartlett e de Palmer, sont des
fantasmes de président, après des années de présidents salis par des
controverses. Obama a joué sur l’appétit pour un président à la stature
kennediesque, autant que Bartlett et Palmer. »
David Palmer, président préféré… de John McCainLe magazine Entertainment Weekly a demandé aux deux candidats leur président préféré à l’écran. C’est David Palmer pour John McCain.
"Il prend des décisions difficiles, il est aux commandes, il est prêt à
sacrifier son intérêt pour celui du pays…" Le journaliste lui fait
remarquer que David Palmer a aussi été le premier président noir… "Vous
savez, j’espère être, comme tous les Américains, indifférent à la
couleur de peau du président."
Sans surprise, Barack Obama, qui n’aime jamais être étiqueté candidat noir, cite un autre président fictif
: Jeff Bridges dans "Manipulations"… "Parce que j’aime bien sa façon de
commander des sandwichs"… Il fallait vraiment qu’il ait peur d’être
associé à David Palmer pour formuler une réponse aussi curieuse.