A la veille du premier débat de la
campagne présidentielle, prévu en principe vendredi 26 septembre à
Oxford, dans le Mississippi, le candidat républicain, John McCain, a
pris le risque de contribuer à l'échec du plan de sauvetage du système
bancaire américain en discussion depuis six jours au Congrès. Il s'est
posé en défenseur des Américains moyens contre les puissances de
l'argent.
"Le plan qui a été présenté par l'administration ne
bénéficie pas de la confiance des Américains, a-t-il estimé. Il ne
protège pas les contribuables et il sacrifie Main Street (l'homme de la
rue) au profit de Wall Street." Malgré la mise en garde dramatique
de George Bush, mercredi, contre le risque d'effondrement de
l'économie, le plan de 700 milliards de dollars concocté par le
secrétaire au trésor, Henry Paulson, n'a pas pu être adopté jeudi. Et
ce, alors que M. Bush avait réuni les deux prétendants à sa succession
John McCain et Barack Obama, pour un sommet historique à la Maison
Blanche destiné à l'entériner collectivement. L'administration avait
d'autant plus confiance qu'elle avait fait des concessions aux
démocrates notamment sur l'indulgence envers les propriétaires
immobiliers insolvables et la limitation des indemnités des dirigeants
de banques.
Plutôt que le consensus, c'est la discorde qui s'est installée en ce que le New York Times a appelé un
"jour de chaos".
Les responsables démocrates et républicains se sont accusés de chercher
à utiliser la crise financière à des fins électoralistes. A la fin de
la journée, les démocrates ont fini par se retrouver dans la position
d'être ceux qui soutiennent George Bush alors qu'une partie des
républicains s'oppose au plan du président.Jeudi, la journée
avait commencé sur une note d'optimisme. A midi, John McCain, qui avait
annoncé la veille qu'il suspendait sa campagne devant l'urgence de la
crise, est arrivé au Congrès, où on ne l'avait pas vu depuis le début
avril. Immédiatement, il est allé entendre les représentants
républicains, un groupe qui, à 40 jours d'une élection qui va
renouveler la totalité de la Chambre, n'est pas pressé de voter un
texte qu'une partie des électeurs juge extravagant (selon les premiers
sondages, 30% sont contre, 30% sont pour et le dernier tiers ne sait
pas quoi penser).Comme pour lui couper l'herbe sous le pied, le
sénateur démocrate Chris Dodd s'est dépêché d'annoncer qu'un accord
avait déjà été arrêté sur des
"principes fondamentaux". Cela a
suffi à Wall Street, qui a conclu en hausse de 1,82%. Mais le
représentant de l'Alabama Richard Shelby et plusieurs autres
républicains conservateurs ont démenti s'être ralliés, et leur
entretien avec John McCain les a plutôt confortés dans leurs états
d'âme. Comme l'a expliqué le consultant républicain Alex Castellanos,
"il est culturellement plus facile aux démocrates de dépenser 700 milliards de l'argent du contribuable qu'aux républicains".A
16 heures, a eu lieu une réunion sans précédent à la Maison Blanche,
dans la salle du conseil de cabinet. Malgré la pluie, plusieurs
centaines de personnes manifestaient devant les grilles à l'appel
d'organisations démocrates comme Campaign for America's Future. Mot
d'ordre :
"pas de chèque en blanc pour le plan de sauvetage de Wall Street".
"Les
mêmes personnes qui nous disaient il y a quelques semaines que tout
allait bien et que nous avions simplement besoin de quelques réductions
d'impôt supplémentaires, nous disent maintenant que l'économie va
s'effondrer. Les gens ont l'impression qu'on leur a menti", dit Roger Hickey, le directeur.Jamais
on avait vu deux rivaux présidentiels assis autour de la même table à
la Maison Blanche, si près des élections. Barack Obama était arrivé de
Floride où il se préparait depuis plusieurs jours au débat prévu dans
le Mississippi. Le président Bush était encadré des leaders du congrès,
puis des deux candidats, aux extrémités de la table. En face de lui, le
vice-président Dick Cheney, et le secrétaire au Trésor. Moins d'une
heure après le début de la discussion, le premier interlocuteur qui est
sorti, le sénateur Shelby a dit sans détour que l'accord n'avait pas
été conclu.
"Nous avons beaucoup d'opinions différentes". Il a montré aux caméras un texte signé par 200 professeurs d'économie mettant en doute la validité du plan Paulson.Selon
le récit fait par les démocrates, furieux, le chef des républicains à
la chambre, John Boehner, qui n'avait pas manifesté de virulence
jusque-là, a fait une contre-proposition qui a
"tout fait sauter".
Celle-ci verrait le gouvernement promettre une assurance aux firmes qui
conserveraient les emprunts gelés. Harry Reid, le chef de file
démocrate au Sénat, a indiqué que M. McCain qui avait parlé le dernier
s'était gardé de dire quoi que ce soit de
"substantiel". Les
démocrates ont reproché au candidat républicain de venir souffler sur
les braises aux seules fins de se poser ensuite en homme providentiel.Sentant
le piège, les démocrates ont souligné qu'ils n'entendaient pas faire
passer un projet émanant de l'administration Bush sans un minimum de
votes républicains. Selon le Washington Post, Henry Paulson a été vu,
faisant mine de poser un genou à terre, pour supplier les démocrates de
ne pas laisser tomber son plan. Quant au débat du Mississippi, dont M.
McCain avait proposé le report tant que les parlementaires n'auraient
pas statué, le suspense continuait à quelques heures de l'ouverture.
"Le débat qui est le plus important est celui qui se déroule au Congrès". a-t-il lancé. L'entourage de M. Obama était néanmoins confiant que le
"maverick" (franc tireur) viendrait.