Les Sorcieres et la sorcellerieLes
proces de Salem de sorcellerie ayant eu lieu en 1692 dans un bourg
puritain des Etats-Unis, Salem Village (Etat du Massachusetts),
a la suite d'une vague de delations. Le proces entraina la condamnation
a la mort par pendaison de vingt personnes, prononcee par un tribunal
constitue pour la circonstance, dont l'un des membres, Samuel Sewall,
devait ensuite reconnaitre publiquement l'erreur collective.
La chasse aux sorcieres a l'epoque moderne.
La lutte contre la sorcellerie prit une forme systematique et organisee
a la fin du XVe siecle, avec la bulle du pape Innocent VIII Summis
desiderantes affectibus (1484), et surtout avec le Marteau des
sorcieres (Malleus maleficarum, 1487), du dominicain allemand Jacob
Sprenger, qui donnait une description complete des pratiques de
sorcellerie et des chatiments encourus. Les Temps modernes temoignerent
d'une implacable severite envers les sorciers, qu'il s'agisse de
l'affaire du cure Urbain Grandier et de ses " possedes " de Loudun
(1833), en France, ou de celle des sorcieres de Salem (1692), dans le
Massachusetts (Amerique du Nord). Les estimations sur le nombre des
victimes que fit la chasse aux sorcieres au XVIe et au XVIIe siecle
varient : Voltaire l'a
evalue a 100 000 ; l'historien Pierre Chaunu, a environ 40 000. En
France, la persecution fut surtout le fait des juges laics, alors qu'en
Espagne c'etait l'Inquisition qui jugeait les actes de sorcellerie.
L'ampleur que prit la repression
a l'epoque moderne s'explique par des raisons autant religieuses que
politiques et sociales. Les autorites
etaient en effet beaucoup plus sensibles aux problemes d'heresie et de
paganisme au moment des guerres de Religion et de la Contre - Reforme
qu'au Moyen Age. Dans une periode d'intense reprise en main de la
spiritualite populaire, la volonte d'eradiquer les pratiques occultes
fut inflexible. En outre, alors que s'affirmait le centralisme
monarchique, la chasse aux sorcieres fut l'occasion pour les tribunaux
royaux - qui firent preuve d'un grand zele - de renforcer leurs
pouvoirs au detriment des tribunaux ecclesiaux et seigneuriaux. Enfin,
les nombreuses denonciations d'actes de sorcellerie par des
particuliers
etaient le signe de tensions sociales au sein des communautes rurales :
les solidarites traditionnelles
a l'egard des plus pauvres, des veuves surtout, paraissaient alors de
plus en plus contraignantes aux paysans enrichis. Les pretendues
sorcieres furent donc des boucs
emissaires, victimes des inquietudes collectives dans une societe en
mutation. La chasse aux sorcieres fut beaucoup moins virulente dans la
seconde moitie du XVIIe siecle : en France, une ordonnance de Louis XIV
interdit, en 1682, de considerer les sorciers comme des criminels. Au
XVIIIe siecle, les progres du rationalisme tarirent progressivement la
peur qu'inspiraient les sorcieres.
La sorcellerie a l'epoque contemporaine.
En cette fin de XXe siecle, la sorcellerie est toujours bien vivace
dans les milieux ruraux (Berry, Wallonie...), mais elle connait aussi
une recrudescence en ville,
a travers des pratiques qui temoignent d'un recours de plus en plus
repandu a l'irrationnel (l'astrologie et la cartomancie connaissent un
semblable essor). Aux Antilles françaises, le " quimboiseur " (sorte de
sorcier derive des rites vaudous) demeure un personnage important. Les
anthropologues sont nombreux
a enqueter sur les formes que revet la sorcellerie en Afrique, en
Amerique du Sud, en Oceanie.
De Shakespeare a Walt Disney, en passant par Goethe, la sorciere est un
theme frequent dans la litterature et le spectacle. L'historien
français Jules Michelet publia en 1862 la Sorciere, ou il chantait les
louanges de la sorcellerie medievale en tant que forme de revolte
contre le mal et contre toutes les oppressions. Pareille revendication
a existe aussi chez certaines feministes du XXe siecle, l'image de la
sorciere ayant servi de symbole
a une condition feminine en rebellion contre une societe etablie et
dominee par les hommes.
Les possedes de Loudun, nom donne aux religieuses qui declencherent une
celebre affaire de sorcellerie dans la France de la Contre-Reforme,
entre 1633 et 1634. Plusieurs religieuses du couvent des ursulines de
Loudun, dans le nord du Poitou, accuserent le cure Urbain Grandier
d'etre par ses malefices
a l'origine de leur possession par le demon. Malgre ses protestations
d'innocence, une commission envoyee par Richelieu le condamna
a etre brule vif, et il perit sur le bucher le 28 aout 1634. L'affaire,
symptomatique du climat d'exaltation religieuse qu'avait cree le
concile de Trente, suscita l'indignation d'une partie de l'opinion et
favorisa l'emergence du jansenisme.
On peut parler aussi de l'envoutement, operation qui consistait a
blesser une image de cire representant une personne
a qui l'on voulait nuire, voire que l'on voulait tuer. La croyance a
l'envoutement, tres repandue dans l'Antiquite, se trouvait deja chez
les hommes prehistoriques ; elle n'a pas tout
a fait disparu de nos jours et n'est pas l'apanage des civilisations
dites traditionnelles.
Chez tous les peuples primitifs, la magie est,
en l'absence d'une connaissance scientifique du monde, le moyen normal
par lequel on croit exercer une action generale sur la realite.
Aussi preside-t-elle a tous les moments importants de la
vie (maladies, naissances, semailles, recoltes, etc.). Au Moyen Age,
l'Eglise condamnait les magiciens, comme les sorciers, parce qu'ils
agissaient dans un sens contraire aux intentions divines en cherchant
a modifier les lois naturelles. On peut distinguer la magie naturelle,
ou magie blanche, qui utilise des procedes naturels mais secrets, par
lesquels on produit des effets qui semblent naturels (la physique,
a ses debuts, etait baptisee magie), et la magie noire, ou gotique, qui
fait appel au pouvoir surnaturel des demons et du diable.