La Legende des Loups-garous....
Ces monstres effrayants sont-ils hommes, loups ou mi-hommes mi-loups?
Depuis la nuit des temps, le loup a toujours terrorise l'homme. Mais le loup-garou bien
davantage. De tous temps, en effet, les hommes se sont mis a apercevoir et
a craindre ces fameux et effrayants loups-garous.
En France, ce phenomene a connu une ampleur hors du commun. Savez-vous qu'
aux
XVe et XVIe siecles, une veritable psychose a regne dans toutes les campagnes françaises ? Plus de
30 000 individus ont alors ete juges par des tribunaux et pres d'une centaine executes
parcequ'ils auraient commis des crimes sous l'apparence d'un loup-garou !
Et
cet animal fabuleux qui affola, au XVIIIe siecle, les populations du
Gevaudan (nom ancien de la region qu'on appelle aujourd'hui la Lozere),
etait-ce un loup-garou ?
Cette Bete du Gevaudan, reputee diabolique et invulnerable, resistera
pendant trois ans
a toutes les expeditions villageoises et a toutes les battues
officielles. Pendant cette
periode, la bete aurait massacre pres d'une centaine de personnes
(principalement des femmes et des enfants) et ne sera abattu qu'en juin
1767. Depuis on raconte que
la ou la Bete tomba, l'herbe n'a jamais repousse.....
LES LOUPS-GAROUS ONT-ILS VRAIMENT EXISTE ?
Nous sommes en
Pologne, vers le milieu du XIXe siecle,
dans un petit village des bord de la Vistule. Jeunes et vieux,
rassembles sur la grand-place, fetent la fin des moissons a grand
renfort de chants et de danses. La
recolte a ete bonne, et le festin est abondant. La boisson coule a flot
et chacun s’abandonne
a la joie. Soudain, alors que les rejouissances battent leur plein, un
hurlement terrifiant, propre
a vous glacer le sang, retentit dans la vallee. Les danseurs
s’immobilisent. Tous se
precipitent, cherchant d’ou peut provenir ce cri terrible. Ils voient
alors un loup gigantesque emporter l’une des plus jolies filles du
village, dont on vient de
celebrer les fiançailles. Du fiance, pas de trace...
Les plus courageux parmi les paysans se lancent a la poursuite du loupet tente de lui faire
lacher prise. Mais le monstre, la gueule ecumante de rage, depose alors
son fardeau humain et leur fait face,
pret a combattre. Quelques jeunes gens courent au village chercher des
fusils et des haches. Pendant ce temps, voyant que ceux qui restaient
devant lui
etaient trop effrayes pour bouger, se saisit a nouveau de sa proie et
s’enfonce dans la
foret proche, ou il disparait.
Bien des annees ont passe. Dans le meme village, sur la meme place, c’est encore la
fete de la moisson. Un vieillard s’approche des convives, qui l’invitent a se joindre
a eux et a participer aux rejouissances. Mais le vieil homme, sombre et taciturne,
prefere s’asseoir a l’ecart. Il boit en silence. C’est alors qu’un paysan
age s’approche de lui et l’examine avec attention. Au bout d’un moment, il lui demande d’une voix
etranglee par l’emotion : “ Est-ce toi, Jean ?"
Le vieil homme acquiesce en silence. Tous reconnaissent alors en lui le frere aine du vieux villageois et le
fiance disparu depuis tant d’annees. On fait cercle autour de lui et on attend le
recit de ses aventures en frissonnant d’une etrange terreur.
Il leur raconte alors comment il fut change en loup par une sorciereet comment,
voila bien longtemps, il emporta sa fiancee dans la foret, au cours
d’une autre
fete de la moisson. La, il vecut avec elle pendant pres d’une annee,
puis elle mourut. “ A partir de ce moment, dit-il, je suis devenu fou
de douleur. J’ai
attaque quiconque, homme, femme, enfant ou animal, se trouvait sur mon
chemin. Et j’ai
laisse derriere moi une piste sanglante qui ne pourra jamais s’effacer.
” Et, ce disant, il montra ses mains, sur lesquelles on voyait des
taches de sang. “
Depuis quatre ans, j’ai retrouve ma forme humaine et j’erre dans la campagne. Mais je voulais vous revoir une
derniere fois. Voir le village et la maison ou je suis ne et ou j’ai grandit. Ensuite, eh bien ! je redeviendrai un loup. ”
Il n’a pas fini de prononcer ces paroles que deja il fait place a un enorme loup qui saute par dessus les convives
stupefies et disparait dans la foret. On ne l’a plus jamais revu depuis...
Cette histoire ressemble trop a un conte de fee pour qu’on la
prenne vraiment au
serieux. Est-elle nee de l’imagination populaire, naturellement feconde
? Ou bien a-t-elle connu des versions successives, transmises de
generations en generations, chaque conteur ajoutant des details de son
cru ? Nous ne le savons pas mais c’est assez
problable.
Et, cependant, comme
beaucoup de recits fantastiques faisant
apparaitre des loups- garous,
elle prend ses racines dans la realite. Folkloristes, mythologistes et
historiens s’accordent sur ce point, comme James Stallybrass
(Teutonic Mythology, 1883), John Fiske (Myths and Myth-makers, 1892) et
Walter E. Kelly
(Indo-European Tradition and Folklore, 1863). En fait, pour qui veut
determiner les sources objectives de tels recits, la difficulte majeure
sera de faire la part des faits
reels et de l’affabulation. Et notre histoire polonaise, de ce point de
vue, constitue un exemple typique de cette
interdependance etroite de l’histoire et de la legende.
Les origines du mythe du loup-garou - c’est-a-dire la possibilite pour un
etre humain de se transformer en animal, plus precisement en loup - n’ont jamais
ete clairement demontrees : elles sont pourtant de toute evidence fort anciennes et communes
a de nombreux peuples.
Deja, au Ve siecle avant notre ere,
Herodote relate que les Grecs qui s’etablirent sur les bords de la mer
Noire
consideraient les habitants de ces contrees comme des magiciens fort
habiles, capables de se
metamorphoser a volonte. L’historien grec parle d’une race d’hommes
ayant le pouvoir de se transformer en loup et de reprendre, lors qu’ils
le
desirent, leur apparence humaine.
On croyait, en ces temps lointains, que ces etranges mutations etaient
le fait d’etres humains anthropophages qui, par la pratique de la
maige, prenaient l’apparence d’un loup pour satisfaire plus facilement
leurs
appetits monstrueux.
Les Anciens, dont
les mythologies parlent d’hommes-loups,
disaient que cette
metamorphose permettait d’acquerir la force et la ruse d’une bete
sauvage, mais que le loup- garou conservait voix et regard humains - ce
a quoi, d’apres eux, on pouvait d’emblee le distinguer d’un animal
ordinaire.
Les romains, eux aussi, attribuaient ces metamorphoses a la magie, et Virgile, au 1er
siecle avant notre ere, mentionne cette croyance, ainsi que Properce. Et plus tard,
Petrone, qui joua un role preponderant a la cour de Neron, raconte une savoureuse histoire de loup-garou dans son
celebre roman picaresque, le Satiricon.
Notons que,
pour les Grecs, et les Romains, le fait d’etre
transforme en loup etait parfois considere comme un chatiment divin, et qu’il frappait toujours les mortels qui avaient
sacrifie des victimes humaines. D’apres Pline le Jeune, la metamorphose s’operait alors que le “ coupable ” traversait
a la nage les eaux d’un lac : en abordant a la rive opposee, il etait devenu un loup.
Des lors, il etait condamne a errer dans la campagne, avec d’autres loups-garous, pour une
periode de neuf ans. Si, pendant tout ce temps, il s’etait abstenu de manger de la chair humaine, il lui
etait permis de recouvrer sa forme anterieure, marquee toutefois par les ravages du temps.
Au debut de l’ere chretienne, Ovide presente egalement la transformation en loup comme une punition
infligee par les dieux. Les metamorphoses offrent de nombreux exemples d’avatars prodigieux, depuis la
creation du monde jusqu'a Jules Cesar. Le poete romain raconte ainsi comment Lycaon, roi d’Arcadie, ayant voulu mettre
a l’epreuve l’omniscience de Jupiter en lui servant un plat prepare avec le corps d’un jeune garçon, fut pour ce crime
transforme en loup. Il sema des lors la terreur parmi ses anciens sujets. Platon et Pausanis rapportent des cas analogues.
Selon les exemples cites,
le processus de la metamorphose varienotablement : parfois, la transformation est aussi soudaine
qu’incontrolable. Quelquefois, il suffit
a celui qui veut changer de forme de revetir la depouille d’un animal
pour prendre son aspect (c’est cette tradition que l’on retrouve dans
les sagas
norvegiennes et irlandaises).
Bien souvent encore, le loup-garou apparait comme tel aux yeux de ses contemporains
grace a un charme secret : ils le voient sous l’aspect d’une bete sauvage, alors qu’en
realite il n’a pas change.
Cette croyance etait si profondement enracinee en Europe a le fin du Moyen Ages et pendant la Renaissance que
les loups-garous etaient consideres a l’egal des sorciers et des
magiciens. Quiconque etait soupçonne de se transformer en loup - ou
denonce comme tel- etait impitoyablement brule ou pendu (et ce, plus particulierement encore en France et en Allemagne).