CHANGER la Constitution pour se
débarrasser d'un ancien premier ministre ambitieux. Abdoulaye Wade,
président du Sénégal, pays censé symboliser l'exemplarité démocratique
africaine, n'a pas hésité à employer les grands moyens pour évincer
Macky Sall, chef du gouvernement entre 2004 et 2007. Car M. Sall,
président de l'Assemblée nationale jusqu'à dimanche, est désormais
considéré par le pouvoir comme un rebelle.
Les députés sénégalais ont en effet adopté, dimanche 9 novembre, une résolution "
mettant fin"
à ses fonctions par 111 voix contre 22. Massivement, l'Assemblée, où le
Parti démocratique sénégalais (PDS) du président Wade dispose d'une
majorité écrasante depuis les élections législatives de 2007 boycottées
par l'opposition, a satisfait la volonté du chef de l'Etat de limoger
le président qu'elle s'était donné.Un mois plus tôt, le 13
octobre, le Parlement avait déjà voté sans barguigner une loi
d'inspiration présidentielle modifiant la Constitution réduisant de
cinq à un an la durée du mandat du président de l'Assemblée et du
Sénat. Le 21 octobre, le président Wade avait promulgué le texte qui "
s'applique au mandat en cours". Le
feuilleton de la disgrâce de Macky Sall, qui agite les milieux
politiques sénégalais et la presse depuis un an, venait de trouver son
épilogue.Il avait débuté lorsque le nouveau président de
l'Assemblée avait avalisé la décision de la commission des finances
d'auditionner Karim Wade, fils du président de la République. Les
députés souhaitaient questionner M. Wade junior sur sa gestion
financière de l'Agence chargée des grands chantiers de Dakar liés à
l'organisation de la Conférence islamique de mars 2008, dont il est
président.L'initiative avait suscité la colère du chef de
l'Etat, et n'avait pas connu de suite. Le différend entre M. Wade père
et Macky Sall avait rapidement pris une tournure personnelle. En
septembre, l'invitation de M. Sall par le Sénat français avait été
considérée comme un casus belli. Dimanche, les députés sénégalais ont
justifié sa mise à l'écart par
"ses activités personnelles" à l'étranger et la crise de confiance avec l'exécutif.L'affaire
se réduirait à une simple lutte d'influence au sommet de l'Etat si elle
ne reflétait pas l'âpreté de la querelle pour la succession du
président Wade, 82 ans. Longtemps alliés, l'ancien premier ministre,
âgé de 46 ans, et le fils du président, 40 ans, affichent désormais
leurs ambitions. Le chef de l'Etat sénégalais, qui se défend de toute
dérive monarchique, semble pourtant tout faire pour écarter les rivaux
de son fils. Avant M. Sall, il avait limogé en 2004 une autre étoile
montante de la vie politique, son ancien premier ministre Idrissa Seck,
qui s'est présenté contre lui à l'élection présidentielle de 2007.Juste
après son éviction du perchoir de l'Assemblée, Macky Sall est entré lui
aussi dans l'opposition. Il a démissionné du PDS et de ses mandats de
député et de maire, dénonçant
"une procédure antidémocratique qui n'honore pas le Sénégal".