En adoptant en février une loi permettant
aux mères en difficulté d'abandonner leurs enfants, l'Assemblée du
Nebraska pensait simplement se mettre au diapason du reste des
Etats-Unis. A une époque où démocrates comme républicains essaient de
réduire le nombre d'avortements, les parlementaires espéraient
contribuer au débat en proposant un refuge aux parents en détresse. Nul
ne serait poursuivi pour avoir laissé un "enfant" dans un hôpital de l'Etat.
La loi est entrée en vigueur le 18 juillet. Depuis, 35 enfants ont
été abandonnés par leurs parents ou leur tuteur légal. Mais, loin des
nouveau-nés que la loi était censée viser, ce sont des adolescents que
l'on dépose dans les hôpitaux. Du Michigan, à l'Iowa et à la Géorgie,
des parents sont venus se délester de leur progéniture dans le Nebraska.Lundi
17 novembre, le gouverneur républicain, Dave Heineman, a convoqué
l'Assemblée en session extraordinaire. Les parlementaires doivent
réécrire la loi en y faisant porter l'âge limite des enfants concernés.
Le débat n'est pas facile. Certains élus ne veulent pas limiter la
portée du texte : l'afflux de "candidats" reflète, selon eux, à quel
point les besoins sont grands.Selon le quotidien local, l'Ohama Herald,
sur les 30 premiers enfants arrivés depuis le vote de la loi, 27
avaient déjà eu recours à des soins psychologiques, 28 étaient issus de
familles monoparentales et 22 avaient un parent ou un tuteur qui avait
fait de la prison. En septembre, un enfant de 11 ans a été laissé par
sa mère adoptive, ainsi qu'un autre de 15 ans, dont la personne en
charge, depuis la mort de la mère, n'arrivait plus à s'occuper. Un
père, subitement veuf, a laissé 9 enfants, âgés de 1 à 17 ans. Le 22e cas a été celui d'une jeune fille de 15 ans que sa mère a déposée à l'hôpital après une violente dispute en lui disant : "J'en ai fini avec toi."Une
mère, qui a amené son fils de 13 ans avec une valise de vêtements, a eu
des regrets. Elle a expliqué qu'elle avait surtout voulu que
l'adolescent rebelle prenne au sérieux ses menaces. Trop tard. Une fois
qu'ils ont laissé leur enfant, les parents n'ont plus voix au chapitre
sur son sort. Un père a donné une interview pour s'expliquer. Il se
sentait coupable de ne pas avoir réussi à procurer un suivi
psychologique et médical adéquat à son fils.A la veille du
changement de la loi, un dernier enfant est arrivé de la région de
Detroit. Il a été conduit par sa mère, sa grand-mère et sa tante. Il
est arrivé avec des vêtements de rechange et dix dollars. Il a expliqué
que sa mère était "stressée" et "ne pouvait plus s'occuper de lui".