Il a suffi que Barack Obama mentionne,
dimanche 16 novembre, pendant son premier entretien télévisé depuis
l'élection présidentielle, qu'il lisait "un livre récent" sur
les cent premiers jours de Franklin Roosevelt pour que le public se
précipite. Quel était donc ce titre que lisait le président élu et qui
pourrait peut-être donner des indices sur les choix de l'homme qui doit
entrer en fonctions dans 63 jours ?
La chaîne CNN ayant désigné le FDR : The First Hundred Days (FDR : les cent premiers jours)
du professeur anglais Anthony Badger, la demande a été immédiate, au
point que l'éditeur a ordonné une réimpression. Interrogé à Cambridge,
M. Badger a rappelé que Roosevelt, en arrivant au pouvoir en 1933 au
milieu de la grande dépression, avait réussi à faire passer seize
réformes en cent jours. "Mais surtout, a-t-il dit, il a ramené la confiance chez les Américains."Deux
semaines après l'élection "historique" du 4 novembre, l'engouement pour
Barack Obama ne faiblit pas. 24,5 millions de téléspectateurs ont suivi
l'entretien qu'il a accordé au magazine 60 minutes de CBS, un
record d'audience pour l'émission depuis 1999. Tout le pays s'intéresse
au choix de la nouvelle école - privée - dans laquelle vont être
inscrites les deux filles du président, ainsi qu'à l'éventuelle
installation de sa belle-mère à la Maison Blanche, pas encore tout à
fait décidée. Du côté des nominations, 77 % des Américains lui font
confiance pour faire "le bon choix", selon un sondage CNN-Opinion
Research.Jusqu'à présent, M. Obama s'est entouré d'un nombre
élevé d'anciens membres de l'administration Clinton, alors qu'il avait
promis une rupture. Greg Craig, l'un des conseillers diplomatiques, a
été choisi pour diriger le bureau juridique de la Maison Blanche. Il
était l'un des avocats de Bill Clinton pendant les procédures
d'"impeachment" (destitution) qui n'avaient pas abouti en 1998.La
diplomate Mona Sutphen est nommée chef de cabinet adjoint. C'est elle
qui avait organisé l'entretien d'embauche de Monica Lewinsky, la jeune
stagiaire dont les relations avec le président Clinton allaient par la
suite faire scandale, à la mission américaine à New York, à la demande
de John Podesta, aujourd'hui l'un des chefs de l'équipe de transition
(qui compte déjà 450 personnes).Hillary Clinton aurait été
pressentie pour faire partie du cabinet. La rumeur a couru la semaine
dernière, après un déplacement de Mme Clinton à Chicago,
qu'elle s'intéressait au département d'Etat. Elle n'a pas été démentie.
L'offre est, semble-t-il, assortie de conditions. Il faudrait que Bill
Clinton satisfasse aux exigences de transparence financière imposées
aux futurs membres de l'administration et à leurs conjoints.
L'ex-président était lundi au Koweït, pour une conférence sponsorisée
par la banque nationale koweïtienne (ce genre d'interventions lui a
rapporté 10 millions de dollars en 2007). Il a estimé que son épouse
ferait "une excellente secrétaire d'Etat". Mais l'équipe Obama
voudrait qu'il divulgue les noms des donateurs de sa fondation et de
ceux qui ont financé la bibliothèque présidentielle de l'Arkansas.Signe de l'état de grâce dont bénéficie M. Obama, l'hypothèse d'avoir Mme
Clinton - une démocrate qui a voté pour la guerre en Irak - en charge
des affaires étrangères n'a été critiquée qu'à demi-mots. Elle qui
l'avait traité de naïf quand il proposait de négocier "sans conditions"
avec les Iraniens, deviendrait celle qui préparerait une éventuelle
rencontre avec Téhéran. Une grande partie de la classe politique a été
prise à contre-pied par ce geste. Dans sa chronique du New York Times, Maureen Dowd, farouche critique du couple Clinton, a fini par expliquer qu'en fait M. Obama pratique bien le "changement" puisque Bill et Hillary n'auraient jamais eu la grandeur d'esprit de partager le pouvoir avec leurs rivaux.Le
président élu a rencontré un autre concurrent des primaires, le
gouverneur du Nouveau Mexique Bill Richardson, qui serait aussi en lice
pour les affaires étrangères. Et lundi, c'est avec l'ancien candidat
républicain John McCain qu'il a parlé pendant 45 minutes. Les deux
hommes se sont promis de "lancer une nouvelle ère de réformes",
et de travailler ensemble sur des sujets tels que la réforme de
l'immigration et la fermeture de Guantanamo. Au Sénat, M. McCain
pourrait être un allié précieux qui permettrait d'isoler les
républicains les plus conservateurs. Dans son interview, M. Obama a
confirmé qu'il prendrait au moins un républicain dans son équipe. Le
nom de Robert Gates, qui resterait à la défense, a souvent été
prononcé, mais selon certaines sources il n'est pas convaincu d'avoir
envie d'être en première ligne pour fermer Guantanamo.