Le président russe Dmitri Medvedev devait
s'envoler samedi 22 novembre pour une tournée en Amérique latine -
Pérou, Brésil, Venezuela, Cuba -, censée marquer le retour de la Russie
sur la scène internationale. A son arrivée au Pérou, samedi, pour le
sommet Asie-Pacifique, le chef de l'Etat russe devait rencontrer le
président américain sortant George Bush.
M. Medvedev rendra ensuite visite aux principaux porte-voix du front
antiaméricain dans la région, le Vénézuélien Hugo Chavez et le Cubain
Raul Castro. Ensemble, MM. Chavez et Medvedev assisteront à des
manoeuvres navales conjointes.
"Moscou veut avoir autant de succès
en Amérique latine que Washington dans l'espace postsoviétique. La
Russie veut montrer sa puissance militaire dans le voisinage immédiat
des Etats-Unis", selon le quotidien
Kommersant.Cette
tournée inédite a lieu au moment où la Russie sort de l'isolement qui
la menaçait après la guerre russo-géorgienne d'août. Mises à mal par le
conflit et par la reconnaissance unilatérale par Moscou des régions
géorgiennes séparatistes d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, les relations
s'étaient tendues avec l'Union européenne et avec l'OTAN.Le sommet UE-Russie du 14 novembre a donné le coup d'envoi du "dégel". Estimant que Moscou avait
"largement rempli"ses engagements envers l'accord de cessez-le-feu, Nicolas Sarkozy, le
président en exercice de l'Union européenne, a ramené Moscou dans le
jeu, manifestant un intérêt appuyé pour le projet russe d'une nouvelle
architecture de sécurité en Europe. Les négociations autour de l'accord
de partenariat, suspendues en raison du conflit, vont reprendre.Avec
l'OTAN aussi les relations se sont apaisées. Moscou vient d'autoriser
l'acheminement, via son territoire, de matériel militaire allemand
destiné à l'Alliance en Afghanistan. La Russie veut
"poursuivre et intensifier la coopération sur l'Afghanistan",
a fait savoir, jeudi, le porte-parole du ministère des affaires
étrangères, Andreï Nesterenko. Dès lors, l'annexion par la Russie des
territoires géorgiens d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie, où seront bientôt
déployés 7 800 soldats russes, est passée au second plan. La recherche
d'une solution, renvoyée aux négociations de Genève entre la Géorgie et
ses régions "irrédentes", promet de s'inscrire dans la durée.
MENACE PAYANTEMisant sur Genève,
"la communauté internationale reconnaît le statu quo, elle est prête à des discussions sans fin et sans perspective", relève le quotidien
Kommersantdu 20 novembre. L'important est de ne pas isoler la Russie. Et puis,
les problèmes de souveraineté non reconnue n'empêchent pas "
l'Occident d'entretenir des relations normales, de partenariat même", avec des Etats tels que la Turquie, malgré la controverse sur le nord de Chypre.Pourtant,
sur le terrain, la situation laisse à désirer, les observateurs de
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) et
de l'UE n'ont toujours pas accès aux régions géorgiennes sous contrôle
russe, les réfugiés ne peuvent pas rentrer, les accrochages sont
fréquents. Alors pourquoi ce réchauffement ?L'Occident et la Russie sont
"comme
les locataires d'un appartement communautaire, qui se réveillent au
petit matin après une empoignade la veille au soir. Ils réalisent
qu'ils vont devoir vivre côte à côte et que, au fond, le point de
départ de la dispute était insignifiant", avance le quotidien économique
Vedomosti dans son édition du 20 novembre.D'autres
estiment que la menace brandie récemment par le Kremlin de déployer des
missiles balistiques Iskander à Kaliningrad, aux portes de l'UE, a été
payante.
"Dès que Dmitri Medvedev en a parlé, l'Europe s'est tue.
S'il l'avait fait plus tôt, nous n'aurions jamais entendu parler du
bouclier antimissile", affirme le général de réserve Leonid Ivachov.