Pour renflouer les caisses de l'Etat, les autorités comoriennes ont trouvé une solution :
vendre au prix fort des passeports aux étrangers en quête d'une nationalité.La recette est prometteuse, car elle rejoint une préoccupation des pétromonarchies du Golfe : trouver une terre d'accueil - sur le plan administratif - pour des dizaines de milliers de " bidouns", des Bédouins considérés comme des citoyens de seconde zone dans leur patrie, où ils sont privés de documents d'identité.Fin 2008, le président de l'Union des Comores, Ahmed Abdallah Sambi, a donc fait voter par le Parlement une loi qui ouvre la voie à une "citoyenneté économique" dont devraient bénéficier des "bidouns".Les conditions d'octroi seront solidement encadrées même si, reconnaît le ministre, les futurs citoyens comoriens pourront ne jamais mettre les pieds dans leur patrie d'adoption. "Il faut que les pays demandeurs présentent un programme d'investissement aux Comores. En outre, chaque candidat à un passeport devra verser l'équivalent de 2 000 euros et s'engager à développer l'économie locale", dit le ministre. Les candidats douteux seront éliminés. "Ils ne devront pas avoir d'antécédents judiciaires, qu'il s'agisse de terrorisme ou de blanchiment d'argent", prévient M. Hamadi.Un premier accord a été conclu par les Comores avec les Emirats arabes unis qui ont promis, selon le ministre, de verser "à très court terme" 200 millions de dollars (155 millions d'euros), l'équivalent de 40 % du produit intérieur brut des Comores. Le Koweït suivra prochainement, assure le ministre.
FINANCEMENT DE CAMPAGNE
En revanche, le nombre de bénéficiaires des passeports économiques reste un mystère. L'opposition assure que 4 000 familles sont concernées pour le seul Koweït. "Le citoyen de n'importe quel pays pourra demander à bénéficier de la citoyenneté économique. Aucune estimation ne peut exister", rétorque le ministre.Les conditions de vote de la loi sont également obscures. Selon les adversaires du président Sambi, elle n'a en réalité jamais été votée. "Le chef de l'Etat l'a promulguée malgré tout sous un faux numéro, celui de la loi des finances rectificative 2008", accuse Hadji Hassanali, le directeur de La Tribune des Comores, principal journal d'opposition.L'affaire a été portée devant la Cour constitutionnelle. "L'opposition n'a fourni aucune pièce, aucun témoignage accréditant l'hypothèse que la loi n'est pas constitutionnelle", fait valoir l'avocate du gouvernement, Me Harmia Ahmed.
Pour ajouter à la confusion, au moment où l'argent du Golfe va peut-être se déverser sur les Comores (l'un des pays les plus pauvres au monde), une banque vient d'être créée à Moroni, la Banque fédérale du commerce (BFC), par un groupe financier inconnu, Comoro Gulf Holding. Les bureaux de la banque, implantés dans le centre de la capitale, Moroni, ont été inaugurés en début d'année en présence du chef de l'Etat, mais en l'absence des représentants de la banque centrale (où la France siège, car les Comores appartiennent à la zone franc). Faute de connaître l'origine des fonds mis à la disposition de la BFC, la banque centrale a refusé de donner son agrément au nouvel
établissement."Derrière Comoro Gulf Holding, il y a de l'argent islamiste", avance un banquier, sous couvert d'anonymat. L'opposition soupçonne que l'argent de la banque servira surtout à financer la campagne du
président Sambi pour obtenir la prolongation de son mandat à la tête des Comores qui s'achève en principe en 2010.