Le droit à manifester pendant les JO conduit en camp de travail (De Pékin) Un an de séjour dans un camp de
« rééducation par le travail » pour avoir voulu manifester légalement
pendant les Jeux olympiques de Pékin: Wu Dianyuan et Wang Xiuying font
la cruelle expérience du cynisme des autorités chinoises, et de la
passivité du Comité international olympique (CIO).
Le gouvernement chinois avait annoncé le 23 juillet, à deux semaines de l’ouverture des JO,
une mesure exceptionnelle: la désignation de trois parcs de Pékin pour
tenir des manifestations légales, à conditions d’en faire la demande
cinq jours à l’avance. Un progrès considérable dans un pays où ce type
de protestations est en principe impossible, salué comme tel par le CIO soulagé.
Las. Non seulement le quotidien officiel « China Daily » annonçait fièrement mardi
que si 77 demandes avaient été déposées, il n’y avait eu aucune
manifestation, mais le communiqué publié mercredi par l’organisation
Human Rights in China (HRiC) donne la mesure de la farce sinistre qui
s’est jouée: pour l’organisation basée à New York, « rien de plus
qu’un show ».
Pétitionnaires en quête de justiceWu Dianyuan et Wang Xiuying font partie de ceux qu’on appelle à
Pékin des « pétitionnaires », c’est-à-dire des citoyens qui s’estiment
victimes d’une injustice, mais auxquels l’absence de justice
indépendante ne laisse d’autre choix que de tenter de se faire entendre
des hauts dirigeants par des voies détournées. Une pratique ancienne
qui faisait remonter à l’empereur les complaintes de ses sujets
éloignés, généralement pour dénoncer des abus locaux.
Wu et Wang ont été expulsés de leurs logements à Pékin en 2001 -
l’année de l’attribution des Jeux olympiques à la capitale chinoise.
Depuis, ils tentent en vain d’obtenir réparation.
Entre le 5 et le 18 août, ils se sont rendus cinq fois au Bureau
pour la sécurité de Pékin afin de demander le droit de manifester. La
première fois, ils ont été détenus et interrogés pendant dix heures.
Puis, dimanche, ils ont reçu chacun notification de leur condamation
à un an de « rééducation par le travail », une décision administrative,
sans procès, sans avocat, sans appel. La notification était antidatée
au 30 juillet, ce qui, légalment, les exclut de la possibilité de
réclamer le droit de manifester…
« En conformité avec la tradition olympique »…Cela n’a pas empêché mardi le « China Daily » de publier un article
incroyable présentant comme un grand succès l’absence de manifestation
malgré 77 demandes concernant pour la plupart, selon le quotidien, des
questions sociales, médicales, ou de vie quotidienne.
Selon le porte-parole du Bureau pour la sécurité, 74 demandes ont
été retirées « après accord à l’amiable entre les parties concernées et
les autorités », deux autres ont été suspendues en raison de procédures
incomplètes, et une a été refusée car elle impliquait la participation
d’enfants, « ce qui est contraire à la loi chinoise ».
Si l’on en croit cette annonce, Wu et Wang entreraient dans la catégorie des « accords à l’amiable ».
Cynique ou abusé, un chercheur en droit de l’Université du peuple de
Pékin, Mo Yuchuan, est cité par le journal, soulignant que ce droit à
manifester « est en conformité avec la promesse de Pékin d’adhérer aux
traditions olympiques ».
Deux journalistes du site Aujourd’hui la Chine, partenaire de Rue89,
avaient tenté, là encore en vain, de déposer une demande de manifester
en faveur des ours chinois brutalisés pour leur prendre la bile. Leur
récit édifiant et drôle est à lire ici. La mésaventure de Wu et Wang est moins légère.
On attendra avec intérêt la réaction du Comité olympique
international après l’annonce de HRiC, même si, à quelques jours de la
fin des Jeux et dans la fièvre de la course aux dernières médailles
d’or, il y a peu de chances pour qu’il fasse aujourd’hui ce qu’il a
renoncé à faire depuis sept ans.