Crise financière,
crise immobilière, choc pétrolier, inflation record... Mois après mois,
les difficultés s'accumulent sur l'économie mondiale. Elles
s'alimentent les unes les autres. Et le Fonds monétaire international
(FMI) qui s'était hasardé à dire que le pire de la crise était
peut-être passé, met désormais en garde contre le risque d'éclatement
de crises financières.
Tous les secteurs sont touchés par le ralentissement
De la Chine à Los Angeles en passant par l'Europe, les avertissements des
entreprises qui n'arrivent pas à tenir leurs objectifs se multiplient.
Le 8 juillet, c'était le cas du fabricant d'optique chinois Sunny
Optical. La veille, c'était le danois Bang and Olufsen (produits audios
et vidéo). Entre le 25 juin et le 7 juillet, les révisions à la baisse
des résultats ont concerné le promoteur Kaufmann et Broad ainsi que le
britannique Heywood William, fabricant de portes et fenêtres. Peu
auparavant, le cimentier mexicain Cemex a fait part de son pessimisme
sur ses résultats. Dans le transport, la compagnie aérienne chinoise
Cathay Pacific a invoqué le doublement de ses dépenses de carburant.
Dans la distribution, l'anglais Marks & Spencer, son homologue
français Carrefour et la chaîne américaine Office Depot ont tiré le
signal d'alarme, tout comme Sony Ericsson et le fabricant américain de
cartes mères Nvdia. Dans l'industrie, Haulotte Group (nacelles) a
marqué le coup après le "warning" de la maison mère, Oshkosh. Les
sociétés de messagerie FedEx et UPS ont elles aussi annoncé qu'elles
feront moins bien que prévu. Veolia Environnement a informé dès la
mi-juin de ses baisses de bénéfice. Et l'établissement bancaire Lehman
Brothers a lui aussi averti de ses mauvais résultats.
La croissance revue à la baisse dans la zone euro
La croissance du PIB de la zone euro a été revue à la baisse pour le
premier trimestre à 0,7 %, selon la dernière estimation publiée,
mercredi 9 juillet, par Eurostat.
L'office statistique européen l'avait dans un premier temps estimé à
0,8 %. L'amélioration reste nette au premier trimestre, la zone euro
ayant particulièrement bien résisté en début d'année au ralentissement
économique mondial. Eurostat a parallèlement revu en hausse la
croissance du quatrième trimestre 2007, à 0,4 %, contre une précédente
estimation de 0,3 %. En rythme annuel, la croissance ressort donc à 2,1
% contre 2,2 % annoncé initialement en juin.
Les
marchés sont donc de plus en plus nerveux. Mardi 8 juillet, le CAC 40 a
plongé en séance à un plus bas niveau depuis trois ans, terrorisé de
devoir affronter de nouvelles dégradations du secteur financier. Depuis
le début de la crise, à l'été 2007, la Bourse de Paris a reculé de plus
de 30 % et celle de New York de 15 %. "Sur les marchés, certains parlent de krach rampant, indique Jean-Louis Mourier analyste chez Aurel, après un krach brutal, le marché rebondit. Ici non." De
fait, rien ne semble à même de redonner durablement confiance au
marché. L'effondrement du marché des subprimes, ces crédits
hypothécaires à risque américains au coeur de la crise, n'est qu'une
partie des difficultés du secteur financier. "Un symptôme", estime Bruno Biais, directeur de recherche au CNRS. "Cette crise est une crise de la titrisation, (la
transformation de tous types de crédits en produits financiers ). En
termes de montants en jeu pour le secteur financier, il s'agit de 15
000 milliards de dollars", ajoute Olivier Pastré, économiste et
professeur à Paris-VIII. Les encours de subprimes, eux, sont estimés à
1 300 milliards de dollars. Les analystes de Lehman Brothers
ont d'ailleurs évoqué, mardi, le risque que les spécialistes américains
du refinancement obligataire, Freddie Mac et Fannie Mae, soient
contraints de lever 75 milliards de dollars. En déclarant qu'il "s'engageait fortement à soutenir la stabilité et le fonctionnement du système financier",
Ben Bernanke, le président de la Réserve fédérale, a évité de justesse
la panique sur les marchés. Le répit pourrait être de courte durée car
les banques ne semblent pas sorties d'affaires et ne sont plus la seule
inquiétude. CERCLE VICIEUXComment
en est-on arrivé là ? La crise financière a d'abord dégénéré. Aux
Etats-Unis, les ménages ayant contracté des crédits subprimes font
aussi défaut sur leurs crédits à la consommation, leurs crédits
automobiles... Sur le marché, l'ensemble des produits titrisés est
ainsi déserté et les banques, qui détiennent ces titres dans leurs
bilans, révisent sans cesse le prix de leurs actifs à la baisse. En
difficulté, elles renchérissent le coût du crédit. La dette des ménages
s'alourdit, ils consomment moins, ce qui affecte alors le chiffre
d'affaires des entreprises. La crise financière se transmet ainsi à
l'industrie. En Europe, ce cercle vicieux s'est reproduit dans
les pays où la bulle immobilière était similaire à celle des Etats-Unis
et où les ménages étaient très endettés : l'Irlande, la Grande-Bretagne
ou l'Espagne. Les choses se sont envenimées avec l'arrivée du troisième
choc pétrolier et la flambée des matières premières. Les pays européens, jusqu'ici relativement épargnés comme l'Allemagne ou la France, ont été touchés. "Ce
choc est sans doute ce qui inquiète le plus les marchés car le
phénomène est mondial et on ne voit pas comment les prix du pétrole
pourraient baisser", constate Gilles Moëc, économiste chez Bank of
America. Pour les entreprises, la situation est complexe. Elles sont
coincées, incapables de répercuter l'intégralité des hausses de prix
des matières premières sur leurs tarifs, pénalisées par le
renchérissement du crédit et affectées par la baisse de la consommation
des ménages démoralisés par une inflation qui rogne leur pouvoir
d'achat. Les entreprises multiplient ainsi les "profit warning"
(alerte sur leurs résultats). Pour réduire les coûts, elles ajustent
leurs effectifs, et le chômage menace. Mardi, l'allemand Siemens a
ainsi annoncé la suppression de 16 75H>0 postes. Seules les
exportations vers les pays émergents sauvent la mise. "Nous vivons les mêmes problématiques que dans les années 1970", constate M. Moëc. Pour
la plupart des économistes, la flambée du pétrole, bien qu'elle
coïncide avec la crise financière et la baisse du dollar, est un
facteur exogène. Mais une chose est sûre, elle rend la résolution de la
crise très compliquée.