C'est
ce qu'estime le prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz, après l'annonce
de la faillite de la banque d'affaires américaine Lehman Brothers. "On
peut bien sûr se tromper, mais (...) nous disposons aujourd'hui
d'outils en matière de politique fiscale et monétaire pour éviter une
autre grande dépression", explique-t-il.
Joseph Stiglitz (Sipa) Le
prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz a estimé, lundi 15 septembre, que
la crise financière que traversent actuellement les marchés devrait
être moins grave que celle de 1929 car "nous disposons aujourd'hui des
outils en matière de politique fiscale et monétaire pour éviter une
autre grande dépression".
"On peut bien sûr se tromper, mais le point de vue général est que nous
disposons aujourd'hui d'outils en matière de politique fiscale et
monétaire pour éviter une autre grande dépression", a-t-il déclaré à
l'AFP.
Toutefois, "la connaissance ne se traduit pas toujours en pratique",
a-t-il relevé, en rappelant qu'en 1998, "le Fonds monétaire
international (FMI) savait comment empêcher l'Indonésie de tomber en
dépression économique, mais il a en réalité pris des mesures qui l'ont
fait tomber en dépression".
Bruxelles se dit "confiant"Plus tôt dans la journée, la Commission européenne avait assuré suivre
"avec attention" les fortes inquiétudes alimentées par la
menace de la disparition de la banque d'affaires Lehman Brothers,
annoncée plus tôt dans la journée. Bruxelles se dit toutefois
"confiante" quant à "une bonne coordination" entre les institutions
bancaires pour faire face à la crise financière.
"La Commission en général, et le commissaire (européen aux Affaires
économiques Joaquin) Almunia, suivent les événements avec attention", a
indiqué le porte-parole de la Commission Johannes Laitenberger lors
d'un point de presse.
"Bonne coordination""Elle se montre confiante quant à une bonne coordination et une
solution entre les banques centrales, les régulateurs et le secteur
privé concerné", a-t-il ajouté.
Lundi, la Banque centrale européenne (BCE) a injecté 30 milliards
d'euros sur le marché monétaire de la zone euro. La BCE espérait ainsi
calmer les tensions liées à la mise en faillite annoncée de la banque
américaine Lehman Brothers.(> Lire
Les bourses européennes dévissent après l'annonce de la faillite de Lehman Brothers)
Le porte-parole a, en revanche, refusé de faire un commentaire sur "des
événements concernant des institutions spécifiques". Il a rappelé que
la Commission "n'était pas une autorité de supervision".
Au lieu de commenter, "nous devons nous focaliser sur ce qu'il faut
faire", a assuré le porte-parole. Johannes Laitenberger a aussi
souligné que les
ministres des Finances de l'Union européenne se sont réunis en
fin de semaine dernière à Nice et ont alors indiqué "très clairement
dans leurs conclusions ce qui était maintenant nécessaire".
A Nice, les ministres européens ont proposé des solutions pour aller
vers une surveillance plus coordonnée du secteur financier. Ils se
sont, entre autres, accordés sur une harmonisation d'ici 2012 des
données que les banques transmettent aux autorités de supervision
nationales.
Actuellement, la supervision en Europe est très fragmentée et largement du ressort national.
Risque de "contagion"Plus tôt dans la journée, l'annonce de la mise en faillite de Lehman Brother a suscité de nombreuses réactions.
L'ancien P-DG du Crédit Lyonnais, Jean Peyrelevade, a jugé que
cette faillite de la banque d'affaires américaine était "préoccupante", invoquant le risque d'une "contagion" à l'ensemble du système bancaire mondial.
"La faillite de Lehman Brothers est préoccupante" car "il ne faut pas
oublier que les banques d'investissement du type de Lehman vivent avec
une liquidité qui est assurée par des prêteurs, par les autres
banquiers, par le système bancaire et par le marché", a-t-il dit
déclaré sur Radio Classique.
Lehman n'étant pas une banque de dépôt, elle se finance en empruntant de l'argent à d'autres banques et à des investisseurs.
"Donc, j'espère que la Fed", la banque centrale américaine, "a bien
calculé les répercussions" de sa décision de ne pas venir à son
secours, au contraire de ce qu'elle avait fait pour Bear Stearns en
mars.
"Que risquent les prêteurs ?""La vraie question, c'est : que risquent éventuellement de perdre les
prêteurs dans cette faillite ? Et c'est par là que la contagion peut se
manifester", a ajouté le vice-président du MoDem.
En revanche, "que
Bank of America rachète Merrill Lynchest une bonne nouvelle", a-t-il poursuivi, "parce que le prix en valeur
absolue est quand même relativement élevé", ce qui montre selon lui,
"qu'il y a encore de la valeur dans les banques".
Cette transaction, d'une valeur de 50 milliards de dollars, donnera naissance à la première institution financière mondiale.
Lagarde se réjouit du rachat de Merrill LynchLa ministre de l'Economie, Christine Lagarde, a, de son côté, estimé
que la mise en faillite de la banque d'affaire américaine Lehman
Brothers était "un choc" mais que le gouvernement américain ne pouvait
pas toujours sauver "ceux qui sont en mauvaise posture".
"C'est un fleuron de l'industrie bancaire qui tombe", a-t-elle reconnu
sur Europe 1, tout en estimant qu'il s'agissait d'"un choc" mais aussi
d'un "témoignage d'un certain équilibre: le Trésor américain ne peut
pas constamment aller au sauvetage de ceux qui sont en mauvaise
posture", a-t-elle estimé.
"Ce qui me paraît positif, c'est qu'il a élargi les capacités de refinancement des banques", a-t-elle ajouté.
Le Trésor américain avait annoncé début septembre une mise sous tutelle
gouvernementale des organismes de refinancement hypothécaire Fannie Mae
et Freddie Mac, le temps que ceux-ci restructurent leurs finances mises
à mal par la crise du crédit et de l'immobilier.
La banque d'affaires américaine Lehman Brothers a annoncé lundi qu'elle
allait se déclarer en faillite dans la journée, "afin de protéger ses
actifs et de maximiser sa valeur", faute d'avoir trouvé un repreneur.
"L'autre nouvelle, dans ce matin un peu sombre, qui me paraît plutôt
bonne, c'est le fait que Bank of America annonce sa fusion Merrill
Lynch, (...), c'est clairement une opération de sortie", a aussi
souligné la ministre. Lundi matin,
l'ensemble des bourses européennes ont ouvert en chute après cette annonce.
"Serrer les rangs"Interrogée sur les risques que représentent l'annonce de la faillite de Lehman Brothers, la ministre s'est réjouie qu'"
une dizaine de banques parmi les plus grandes banques mondiales" se soient "mises ensemble pour constituer une ligne de crédit permettant leur refinancement interbancaire".
"C'est aussi le signe qu'elles ont collectivement le désir de serrer les rangs", a estimé la ministre.
"Sur les marchés européens, les gouverneurs des banques centrales, le
président de la BCE, les autorités des marchés financiers et les
responsables des Trésors, ont été en concertation ce week-end", lors
d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro à Nice, a
rappelé Christine Lagarde.
"On a mis en place les mécanismes permettant aux marchés de ne pas être
gravement désordonnés", a-t-elle poursuivi, reconnaissant que "la crise
financière et ses manifestations ne sont pas terminées".