« La sorcellerie est une maladie » Patrick Nguema Ndong, producteur de l’émission Triangle sur Africa N°1
Véritable
institution au sein d’Africa N°1, Patrick Nguema Ndong est
incontestablement l’une des voix les plus célèbres et les plus écoutées
sur le continent. A la tête d’une émission ésotérique et mystique à
nulle autre pareille depuis 20 ans, il est à 48 ans l’un des grands
spécialistes continentaux de l’ésotérisme. Qui est-il ? Comment peut-on
expliquer tel ou tel phénomène de l’invisible ? Qu’est-ce qu’un
sorcier ? En visite à Paris, Afrik a rencontré le journaliste et érudit franco-gabonais pour une interview forcément trop courte. Passionnant.
La réponse à toutes les
questions ésotériques, mystiques ou religieuses. Patrick Nguema Ndong
tient depuis 20 ans la plus populaire des émissions de la radio
continentale Africa N°1. Sur le plateau de Triangle, c’est avec des
marabouts et des tradipraticiens, qu’il décortique et explique, chaque
jour aux auditeurs, les différents aspects du mysticisme africain.
Titulaire d’un master de littérature comparée et d’études religieuses à
l’université d’Indiana aux Etats-Unis, le professeur de lettres
franco-gabonais, de passage à Paris, a accordé une interview à Afrik.
Il y répond à quelques grandes interrogations sur la spiritualité
africaine et présente son livre, à paraître le 17 mai prochain :
Rêves de serpent.
Afrik.com : Comment expliquer la longévité et la force d’une émission comme Triangle ?
Patrick Nguema Ndong : Je pense que c’est une émission qui
met l’Africain en contact avec son autre réalité. C’est-à-dire que dans
la culture occidentale, le visible a été développé au maximum. Des
choses rationnelles que l’on peut toucher et expliquer. Alors que la
culture africaine est une culture qui cache plus qu’elle ne révèle.
Pour savoir comment les Européens vivaient avant, il y a des vestiges,
des ruines...En Afrique, la forêt détruit tout. Même un village
fortifié disparaîtra, « mangé » par les arbres en une centaine
d’années. La culture africaine est basée sur la mémoire. C’est la
raison pour laquelle beaucoup de cultures négro-africaines sont orales.
D’un autre côté, elles s’appuient beaucoup sur le monde invisible, sur
l’arrière plan spirituel du monde. Comme mon émission parle de
l’occultisme, des forces du passé, ça remet l’Africain moderne en
contact avec ses racines. Et c’est peut-être pour cela qu’elle a du
succès.
Afrik.com : Comment faut-il justement appeler Triangle. Une émission ésotérique, spirituelle, mystique ?
Patrick Nguema Ndong : Elle est peut-être tout en même
temps. C’est une émission à caractère spirituel, même si elle est
parfois franchement mystique ou psychique. Dans certaines émissions, on
ne s’occupe pas de Dieu ou de la religion. Les auditeurs y viennent
pour des questions pratiques. Tel marabout est-il fort ? Comment se
sortir de telle ou telle situation ? Comment se débarrasser des
énergies négatives qu’un sorcier nous a envoyées ? Qu’est ce qu’un
fantôme ? Comment s’en débarrasser ? Autant de questions pour rendre
palpable l’invisible. Dans l’émission, l’invisible est un postulat de
base. Personne n’en doute. Ceux qui l’écoutent ou y interviennent
viennent pour expliquer leur problème, découvrir certaines réalités, ou
alors pour que je leur explique ce qui peut leur paraître illogique.
Parce que dans les forces de l’invisible, il y a une logique qui n’est
pas forcément rationnelle.
Afrik.com : Peut-on établir une
différence entre les Africains et les Occidentaux, peut-être plus
cartésiens, qui ont plus de mal à croire à l’invisible ?
Patrick Nguema Ndong : En apparence. J’ai ma mère qui est
originaire du Puy-de-Dôme (Auvergne, France, ndlr). Dans la région de
ma grand-mère, les gens, à la campagne, sont très croyants. Dans les
villages, il y a plein d’histoires de sorcellerie. Si on gratte sous le
verni occidental, on retrouve les mêmes croyances qu’en Afrique. Carl
Gustave Jung (philosophe et théologien suisse, ndlr) avait mis en
évidence qu’il y a de grands archétypes universels qu’on retrouve chez
presque tous les peuples.
Afrik.com : Concernant les thèmes de base. Que faut-il entendre par sorcellerie ?
Patrick Nguema Ndong : Quand les premiers missionnaires
sont arrivés au Gabon et au Cameroun, les autochtones leur ont d’abords
dit que la sorcellerie était une maladie. C’est-à-dire qu’un sorcier
peut vous infecter et vous transmettre la sorcellerie. La sorcellerie
est un fléau, mais aussi, et surtout, un pouvoir. Le sorcier est
redouté parce qu’il a un pouvoir (souvent utilisé pour le mal) : celui
de la projection. Il est capable de se projeter dans un autre corps ou
dans un animal, de vous suivre ou de venir prendre votre énergie
vitale. Le sorcier est craint, mais on a également besoin de lui, car
c’est aussi le connaissant. C’est la personne qui connaît les plantes.
Il peut tuer, mais il peut aussi soigner.